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vendredi 18 décembre 2009

Interview Journal de l'Orne

17 décembre 2009.

"Trop de social ne tue pas le social; trop d'assistanat tue le social"

Ar g e n t a n Solidarité Insertion vient de fêter ses 20 ans. Retour avec son fondateur, Roger Jouadé, sur cette association qui, alors que l'on parle tant de développement durable, l'a instaurée dès 1989.

- Dansquel cadre s'est créée l'ASI ?
- Pour bien comprendre la décision politique courageuse et le réel cas de conscience qui s'est posé pour créer cette association, il faut rappeler que j'étais un militant politique et syndical dans une entreprise d'Argentan, en ayant aussi des responsabilités départementales. Nous avions toujours lutté pour défendre le droit à l'emploi permanent contre l'évolution de l'emploi précaire qui commençait à se développer. Nous souhaitions une politique de solidarité active et globale qui protège la dignité des personnes en difficultés.
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- Comment était perçue l'ASI à sa création ?
- Que de critiques endurées à cette époque ! Ce fut une décision courageuse et réaliste de notre municipalité. Je suis très reconnaissant à notre maire de l'époque, François Doubin, d'avoir favorisé ce choix d'une politique de solidarité active et non plus d'assistanat. Parce que, contrairement à ce que l'on peut entendre, "trop de social ne tue pas le social; trop d'assistanat tue le social".
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- Quelles sont les personnes que vous accueillez ?
-Ce sont des personnes qui ne trouvent plus de travail après 50 ans. Nous les accueillons de plus en plus nombreuses dans nos structures d'insertion. Mais aussi de plus en plus jeunes. Nous avons des 18-25 ans. Toute une génération est ainsi sacrifiée alors que nous sommes la 4e ou 5e puissance économique mondiale du fait de nos richesses et de nos savoir-faire que nous avons transmis dans le monde avant et durant les délocalisations.
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- Quels sont les types de travaux que vous effectuez avec l'ASI ? Ne faites-vous pas concurrence aux artisans ?
- Non, ce sont de nouveaux emplois. Il y a tant à faire dans l'environnement, l'entretien du patrimoine, des rivières pour éviter les inondations, dans nos immenses forêts pour éviter les incendies. Tous ces nouveaux emplois seraient infiniment moins onéreux que le coût du chômage et les terribles dégâts provoqués chaque année par les inondations et les feux de forêt. C'est mettre en pratique le vaste chantier du développement durable. Nous, nous le faisons depuis 20 ans.

- Quel bilan faites-vous de l'ASI au bout de 20 ans ?
- Je suis heureux de constater qu'à Argentan, ce concept de solidarité et la défense des valeurs humanistes nous ont rassemblés dans cette épreuve. Nous sommes classés 21e entreprise sur 63 pour les résultats économiques de nos activités sur Argentan, c'est ici la preuve de la bonne gestion de l'insertion par l'activité économique et non l'assistanat. Cela justifie notre appel aux moyens qu'il faut nous donner pour développer notre encadrement très insuffisant par des subventions correspondantes. Il faut savoir que ces subventions du conseil général et de la municipalité représentent à peine 10% de notre budget. C'est peu comparé aux retombées économiques que nous assurons et au versement des salaires et pour les cotisations sociales que nous versons à l'URSSAF et autres organismes sociaux.
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- En chiffres, cela se traduit comment ?
- En 2008, l'ASI avait 311 clients; la Régie des quartiers, 135; les Jardins dans la Ville, 160 adhérents. A l'accueil "recherche d'emploi", nous avons eu 5513 visites en 2008. Nous avons réalisé 1894 contrats de travail et 1577 facturations clients en 2008.

Ce bilan démontre que nous avons réussi à mobiliser et rassembler les associations, les partenaires économiques et la société civile dans cette action exemplaire de lien social et de solidarité active. C'est aussi la preuve que notre CCAS avait fait le bon choix avant l'heure du vaste champ du développement durable, du social au sociétal à l'ordre du jour de notre municipalité. Au-delà des jugements et critiques négatives de l'opposition, nous avons su rassembler toutes les bonnes volontés dans ces actions de solidarité active.

- Comment se passe l'encadrement ?
- L'accueil et le suivi de ces personnes s'effectuent avec seulement 5 employés et encadrants. Cela démontre le dévouement et la qualité de nos agents que je remercie. Cela justifie l'aide que nous réclamons pour assurer correctement notre mission.

Propos recueillis par Christophe RIVARD